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La Croix via le
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La concurrence sur le marché des hosties menace les monastères de contemplatives, qui fournissent les diocèses français
Des bénédictines de l'abbaye Sainte-Marie de Maumont, à Juignac (Charente), trient des hosties de leur atelier de production (Photo : Jean-Michel CHASSINE/CIRIC).
Si même Lourdes renonce aux hosties des moniales… L’hypothèse, évoquée en fin d’année dernière par les responsables du sanctuaire, d’acheter leurs stocks d’hosties à une entreprise proposant des
prix bien inférieurs aux tarifs habituels a provoqué un vent de stupeur dans les 36 monastères français producteurs d’hosties. C’était un signe de plus de la dégradation des conditions de vente sur
le marché.
« L’alerte de Lourdes, qui finalement ne s’est pas concrétisée, nous a paniqués », avoue Sœur Marie Samuel, cistercienne de
l’abbaye Notre-Dame-de-Bon-Secours, à Blauvac (Vaucluse), l’un des principaux centres de fabrication. De fait, après consultation, les sanctuaires de Lourdes ont pris la décision de
conserver le même fournisseur, un monastère, en obtenant cependant un prix légèrement plus bas.
C’est que les moniales contemplatives, qui traditionnellement fabriquent en France les hosties, sont soumises, depuis quelques années, à rude concurrence. « Autrefois, il y avait un centre de
production par diocèse. Maintenant, 35 monastères se partagent la production de 140 millions d’hosties par an, et 30 autres vivent aussi de leur commercialisation », ajoute Sœur Marie Samuel. Or,
les ventes vont mal. « 20% de diminution en 2009, et 15% en 2008 », assure la moniale de Blauvac.
Des ventes vitales pour certaines communauté
En cause, certes, la désaffection des Français pour la pratique religieuse, et notamment la messe du
dimanche. Mais pas seulement. « Des producteurs étrangers, notamment polonais, ont cassé le marché », avance Sœur Marcelline, du Carmel de Saint-Germain-en-Laye (Yvelines), responsable du
groupement des monastères vendant et fabriquant des hosties. De fait, en Pologne, le « marché » est beaucoup plus important, et les hosties sont fabriquées par des laïcs, à des prix de revient plus
faibles.
Reste qu’il semble difficile de mesurer l’ampleur de la concurrence : qui connaît le nombre d’hosties consommées en France, chaque dimanche ? Après un calcul très approximatif, à partir d’une
estimation de la fréquentation dominicale (8% de la population), le groupement en a conclu que sans doute à peine plus de la moitié du marché était approvisionné par les monastères français…
« Nous ne cherchons pas à gagner à tout prix de l’argent, simplement à pouvoir continuer de vivre » souligne Sœur Marcelline, qui souhaite « sensibiliser les diocèses, leur dire que c’est un choix
d’Église aussi de nous rester fidèles, une manière de soutenir les monastères ». Pour certains d’entre eux, comme les abbayes d’Ubexi ou Blauvac, ces ventes sont vitales pour la survie de la
communauté.
Blauvac songe à se reconvertir dans d’autres types de production
Les moniales se sont donc mobilisées, et ont lancé une campagne de communication en direction des
acheteurs. Mais là encore, la tâche est peu aisée : « Autrefois, c’était plus simple, il suffisait de toucher le curé, témoigne Sœur Marcelline, mais aujourd’hui, avec les regroupements de
paroisses, ce sont bien souvent des laïcs qui s’occupent des aspects matériels, et nous ne savons pas toujours comment les joindre. »
Les monastères ont alerté la Conférence épiscopale à ce sujet. Ils veulent aussi faire passer l’information par le biais du Cèdre, groupement d’achat destiné aux établissements chrétiens (diocèses,
communautés, écoles,) qui sert de centrale d’achat à nombre de paroisses. Mais plus largement, les moniales veulent convaincre l’ensemble des catholiques du bien-fondé de leur combat.
Une vidéo (
Les boulangères de Dieu) et un diaporama (
Tu te nourriras du travail de tes mains) ont été réalisés pour mettre en valeur leur production et l’importance qu’elle revêt
pour leur équilibre : « c’est un travail vital, est-il expliqué, il ne faudrait pas qu’une concurrence mette en difficulté les monastères ». Et le diaporama se conclut par cette interpellation : «
À propos, dans votre paroisse, les hosties proviennent-elles d’un monastère ? Renseignez-vous ! »
À terme, cependant, les contemplatives ne se font guère d’illusion : la consommation des hosties est durablement en diminution en France et « nous n’avons pas encore touché le fond », soupire Sœur
Marie Samuel. Même si le carmel de Saint-Germain-en-Laye, qui fournit le diocèse de Versailles, ne connaît pas, lui, de baisse de la demande, le monastère de Blauvac commence à songer à la
nécessité de se reconvertir dans d’autres types de production.
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Isabelle de GAULMYN
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